Fier d’être Guyanais : Pourriez-vous vous présenter pour les lecteurs de F.E.G.
Mon nom d’artiste est Willdy. Je suis né le 10 avril 1980 à Cayenne. Je suis le neveu du chanteur de Jazz caribéen José Ultet et du Docteur et indépendantiste José Dorcy.
F.E.G. : Expliquez nous l’origine de ce nom d’artiste ?
C’est un ami rappeur Freaky Fan, avec qui j’ai fait mes armes, qui m’a baptisé Weedy … Avec le temps, je l’ai modifié en utilisant comme base mon nom et prénom de l’état civil (William Dorcy).
F.E.G. : Faites vous parti d’un crew ?
J’ai fait partie d’un crew nommé « Ma’fiamilys » dont j’étais aussi l’un des membres fondateurs. Un groupe de potes à la base composé des Ames-Claires, Rémire-Montjoly et Mont-Lucas.
F.E.G. : Avez-vous signé sur un label ?
Je travaille avec l’équipe BIWA avec qui j’ai fait ma 1ère Web mixtape « Echantillon » en 2010.
Signé je ne le suis pas, je ne le serai sûrement pas mais les victoires que j’ai acquises, c’est avec eux que je les obtenues (2 nominations aux Lindors). Etant un mec loyal, c’est avec eux que je continuerais et comme on dit : « on ne change pas une équipe qui gagne ».
F.E.G. : Pourriez-vous nous expliquer vos débuts, ce qui vous a mené à la musique en quelques mots ?
Ce sont mes cousins de France qui m’ont initié au break puis naturellement à la musique. Mon cousin L’indigène aka Lince Calderone, est celui qui m’a vraiment éduqué au rap quand il venait en vacances au pays chargé de mixtape et d’albums ! La première fois que j’ai posé un pied en studio, c’était grâce à mon oncle José Ultet, qui m’a emmené avec mon pote blackzula au studio l’hosto, qui se situait derrière le campus Saint-Denis ! (venu au monde dans cet hôpital en tant qu’être humain et naissance de l’artiste dans ce même lieu quand j’y repense).
F.E.G. : Tu ne fais pas du rap festif, c’est vraiment du rap « à l’ancienne » avec un message. D’ailleurs tes textes comme tes clips sont plutôt sombres. Est-ce que c’est ce que la société d’aujourd’hui t’inspire ?
La musique urbaine est à l’image de sa société donc oui la société, le monde en général m’inspire. Je ne pense pas faire de rap à l’ancienne sous prétexte qu’il y a un message, heureusement d’ailleurs…y a des nouvelles générations de rappeurs qui ont toujours du message. Pour le rap festif, je dois me prouver que je suis capable d’en faire et ça arrive bientôt. Oui j’avoue, on me le dit souvent que je suis sombre même trop, c’est paradoxal, dans la vie, j’aime rire, vanner et faire la fête ! Mais ça ne me dérange pas d’être qualifié ainsi. Quand je regarde les infos, le monde, la société je suis en adéquation avec mon temps (rires). Je suis du côté obscur de la force (sourire). Le jour où le monde respirera la joie, le bonheur, la justice et la paix extérieure comme intérieure, j’aurais plus rien à dire … j’aurais aimé ne plus rien avoir à dire (rires).
F.E.G. : Que pensez- vous de la situation actuelle en Guyane ? Il y a une recrudescence de la violence …
La violence n’est pas nouvelle, elle ne vient pas d’apparaître, elle a toujours été là. J’avoue qu’elle est montée crescendo (par rapport au milieu des années 90). Normal, on est de plus en plus nombreux, avec le net, la violence est aussi accessible que d’aller au Mc Donald et puis notre situation géographique fait que la violence de nos sœurs jumelles Guyanes (hollandaise et anglaise) et celle du Brésil immigre aussi. Et elle est bien plus hardcore que la nôtre. Mais c’est vrai qu’avoir une arme s’est généralisé du pauvre aux riches…les gentils garçons en ont maintenant juste pour ne pas se faire victimiser comme outil de défense ! Ce n’est pas étonnant ! La population est jeune, ajoute à ça le chômage, l’oisiveté, le sentiment d’exclusion et d’être emprisonné, délaissé puis l’alcool et les drogues comme seul échappatoire/ évasion.
F.E.G. : Et est ce que vous écrivez vos chansons ?
Oui j’écris mes propres chansons, mais en ce moment, mes prochains morceaux je les ai très peu écrit…par exemple : le morceau « ténèbres » c’est 70% d’improvisation et 30 % d’écriture.
F.E.G. : Avec quels compositeurs/beat maker avez-vous travaillé ?
Je suis en contact avec la plupart des beatmakers de chez moi (973). Je travaille avec ceux avec qui le feeling passe, comme si on était des potes … J’aime les gens humbles et sans prise de grosse tête comme Skandalyze, Mayo beats, Kendy Yogi Sensei, T2i mais aussi des mecs de France comme J-duce et son cousin Logan.
F.E.G. : Quels sont vos influences musicales ? Les chanteurs qui vous ont marqués ?
Avant tout c’était le rap de New-York avec le Wu-Tang, Tragedy Khadafi, Method Man, Redman, Jay Z, Nas, CNN, Mobb Deep, etc … West-Coast avec Snoop, Tupac, Dogg Pound. En terme de rap français : Solaar, Lam, Shurik’n, Akhenaton, Lunatic, Arsenic, La Cliqua, Passi, Sages Po ! Sinon en ce moment, j’écoute du Nipsey Hussle, Schoolboy Q, PNL, A2H, Tito Prince … et d’autres jeunes de France méconnus.
F.E.G. : Jouez vous d’un instrument ?
Le seul instrument que j’ai connu c’est la flûte à l’école d’ailleurs je sais toujours pas pourquoi on nous appris ça (sourire).
F.E.G. : Quelles sont vos collaborations (autres chanteurs ou producteurs …)/ scènes/ podiums/ festival les plus significatifs selon vous ?
Je n’ai pas fait beaucoup de collaboration en y regardant bien ! Partager la même scène que Médine à Saint- Laurent du Maroni, devant un public pourtant réceptif alors qu’il ne me connaissait pas, j’ai senti la chaleur du public lors de ma prestation.
F.E.G. : Que pensez-vous de la nouvelle scène rap guyanaise ?
Il y en a que j’aime et que je suis et ce sont souvent ceux qui ne tombent pas dans le mimétisme et le copier-coller. Beaucoup ont du talent mais n’ont pas de vécu, donc tourne en rond et donne au public les mêmes chansons, les même mots qui reviennent … Mais je trouve que ceux qui ont fait leurs armes avec le Dancehall, bien meilleur rappeurs, que les rappeurs pures souches, car il y a plus de la musicalité et de mélodie chez eux. Il y a un défaut chez cette nouvelle scène c’est de ne pas connaitre/ chercher à connaitre l’Histoire, la culture en terme de rap local comme hexagonal ou US (la Trap a toujours existé, c’est juste le courant dominant ces temps-ci) … En gros savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va. Je me dis que ça aiderait peut être certains à mieux choisir leur voie, leur direction musicale et puis il y a ceux qui sont juste là pour la frime, le « m’as-tu vu », une gloire personnelle, « faire comme les autres » et pas pour la musique. Je remarque aussi qu’on est en train de créer de l’assistanat chez certains chanteurs et je ne pense pas que ça soit bon de ne pas les responsabiliser aujourd’hui on ne peut plus faire que chanter, faut aussi s’investir financièrement parlant et ce n’est pas les aider de tout leur apporter gratuitement. Ils n’auront aucune notion de la valeur des choses et je trouve aussi dommage que les artistes les plus connus, donnent très souvent leurs sons gratuitement et ne sortent que des singles. On a tous envie de savoir quel est le véritable marché potentiel ; si untel fait 200.000 vues sur un clip, combien de personnes ont réellement acheté le single ou la mixtape. Ca mettra les pendules à l’heure : savoir si le public suit réellement ou ne fait que « cliquer » et si nos plus gros artistes ne le sont pas, ce ne sont pas les petits artistes qui pourront responsabiliser le public. Attention qu’on me comprenne bien : quand tu n’es pas connu, donner sa musique gratuitement c’est normal mais quand tu es déjà en place faut la faire payer. Pour finir, je trouve qu’on n’a aucun problème à demander un featuring avec un artiste connu de l’extérieur, qui vient se produire chez nous. Mais il y a très peu de collaboration entre nous et donc d’unité. L’unité ce n’est pas juste partager le clip d’un chanteur lambda du pays parce qu’on l’a aimé (même si c’est déjà ça).
F.E.G. : Racontez nous un moment marquant de votre carrière
J’en ai aucun … Parler de carrière est un bien grand mot (rires) … Ah oui une scène sur la place de la comédie à Montpellier en début 2000 … Surpris de voir les gens lever les mains, danser !!! Bon ce n’est pas étonnant les gens ont la culture du rap en France mais quand tu débarques de ta Guyane ça fait plaisir.
F.E.G. : Quels sont vos projets pour 2016 ?
Continuer à me faire kiffer, à m’amuser et tant mieux si ça trouve un public … Travailler avec ceux que je considère comme les meilleurs du pays et qui sont forcément les plus connus ! Mettre les points sur les i, et les mains sur les Q. Continuer à me taper des barres sur les T, tu comprends ? (rires) … Non plus sérieusement, vous verrez et saurez bien assez tôt ce qui se trame, si vous suivez mes actus sur ma page Facebook , le retour de Mistashab ( un des membres fondateur de BIWA) me redonne une dynamique que j’avais perdu. Je suis reparti pour de nouvelles aventures et montrer d’autres facettes de moi et de ma vie, parce que j’aime pas cette étiquette de rappeur « conscient » qui, à mon sens, ne veut rien dire car quand un artiste chante des conneries, il est conscient de ce qu’il écrit, puis de ce qu’il pose en studio…et des conneries j’en ai faites alors si je peux parler aux plus jeunes en leur faisant profiter de mes différentes expériences tout ça pour dire que j’en ai encore sous le pied.
F.E.G. : On s’est posé la question dernièrement alors tu seras le premier à y passer … Qu’est ce qu’un guyanais selon toi ?
Je ne pense pas détenir la réponse à cette question mais il y a pour moi plusieurs catégories de « Guyanais » : ceux qui sont adoptés par la Guyane mais qui n’y sont pas nés et qui se qualifient de guyanais et qui bien souvent se mobilisent plus que les natifs dans des combats comme ceux des hurleurs de Guyane. Bien sûr, il y a ceux qui y sont nés (peu importe d’où ils viennent). La plus belle forme d’intégration reste : parler notre créole. Un amoureux du pays qu’il y soit né ou pas, où qu’il aille où qu’il vive, il te dira : je suis de Guyane avant de te dire qu’il est français. Après, si je dois répondre en tenant compte de notre Histoire passée et de celle qui s’écrit aujourd’hui, être un guyanais veut dire beaucoup plus que ça pour moi, vu de nos problématiques. Etre Guyanais pour moi aujourd’hui, est quelqu’un qui a à la fois de l’amour et de la peine pour ce pays et qui s’investit dedans de différentes manières : en consommant local (même si c’est cher au moins l’argent reste dans le pays). Parce qu’il a compris que si la moitié du pays consomme plus de local, l’argent enrichira nos entreprises, qui, elles embaucheront cette jeunesse au chômage et on sera moins dépendant de l’importation. C’est aussi celui qui aide le pays et ces habitants peu importe la manière. En disant ça tu comprends que j’exclus ceux qui viennent faire les « Christophe Colomb », « les garimpeiros », ceux qui viennent prendre sans redonner (riches comme pauvres), juste profiter du Pays. Une communauté en particulier très discrète qui sont les nouveaux colons de ce siècle, qui bien souvent parlent mal les langues du pays (français et créole), qui ne se mélange pas à la population ( dans les soirées, les manifestations etc..), et c’est cette même population qui a fait d’eux des nouveaux riches et ils ne s’investissent pas dans le pays ! Bien sur une majorité d’entre eux sont comme ça et une minorité parlent très bien Français, très bien créole et se mélange à la population. Il faut que l’on apprenne à boycotter ceux qui nous méprisent, qu’on enrichit et qui donnent pas de travail à la population … Désolé de partir un peu loin dans mon propos mais vous me permettez de faire passer des messages et ma façon de penser. Pour avoir beaucoup voyagé et rencontré des peuples fiers et patriotes…un Guyanais doit être chauvin, ce département a tout d’un pays dans la superficie (on est voué à être des millions en Guyane) … le fait qu’on soit un département français nous empêche de l’être pleinement … La crise des banlieues, de ces jeunes qui se sentent français mais que la France renie … Ils ne peuvent pas développer ce chauvinisme et ce patriotisme … Alors ici c’est pire on est des citoyens de 3ème zone ! Tout comme en France on est dans une crise identitaire, différente de là bas (en France t’es un nègre et au pays t’es un français) … De toute façon, on est d’accord pour dire que la France a raté l’intégration de son immigration. Et on est un peu en train de reproduire la même chose ici. On est voué à être comme les Etats-Unis : construit par l’immigration. Certes nous sommes la 1ère vague d’immigré et si je te dis tout ça c’est parce que je sens beaucoup plus de racisme qu’il y a 20 ans (c’est latent) derrière la carte postale du melting-pot et du mélange qu’on veut nous vendre on se dirige lentement vers un racisme affirmé comme certains politiques de France nous l’ont prouvé dans les médias ou les gens n’ont plus peur de montrer leur xénophobie (Guerlain et autres…). En tout cas, ça passe par un minimum d’intégration et d’investissement ! Et là si tu lis entre les lignes, beaucoup ne sont et ne se sentent pas guyanais … En tout cas si demain je disparais et qu’on ne retrouve pas mon corps, vous saurez pourquoi (rires).
F.E.G. : Un dernier mot ?
J’aimerais vous remercier de m’avoir laissé m’exprimer.
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– Fier d’être Guyanais et vous ?!
Propos recueillis par : Anjie Say